Texte de Jacqueline M

samedi 15 avril 2017, par Webmestre

Atelier du 11 mars 2016. Les Urbanistes. Roselyne. Les mégalopoles.

Lecture d’un passage de Millénium et de Bleu comme une orange.

Créer en quelques lignes un personnage. En faire le portrait.Le nommer.

« Elle s’appelait Odile. Elle était grande, fine, élancée. Ses cheveux longs et châtains retombaient en boucles sur ses épaules. Elle avait le chic pour se coiffer comme Brigitte Bardot. Des « accroche coeur » encadraient son visage mutin parsemé de taches de rousseur. Elle portait une blouse bleu clair qui laissait dépasser une jupe plissée bleu marine. L’uniforme du Lycée. Interne et pupille de la nation parce qu’orpheline. Un titre qui lui avait été délivré par Georges Pompidou. Solitaire, taiseuse et craintive sans doute à cause de cela. »

Choisir trois monuments célèbres.
Le centre Pompidou- Le château de Versailles- La Maison Blanche.

Emmener le personnage dans une mégalopole de la fin du siècle qui a subi des bouleversements écologiques avec laquelle le personnage a un lien affectif.

« En descendant du métro, Odile perdit brutalement tous ses repères spatio-temporels. Elle se trouvait, debout, devant le centre Pompidou aux allures d’atelier de plomberie qu’elle connaissait bien pour être venue chercher sa reconnaissance de pupille de la nation voilà une dizaine d’années auprès du président du même nom. Beaubourg, qu’elle considérait comme un sanctuaire, lui sembla égal à lui même sauf que l’esplanade du Marais qui l’entourait s’était transformé en un large fleuve jaunâtre stagnant et malodorant comme si la Seine emprisonnée sous le bitume avait décidé de reconquérir son territoire dans cette partie de la Capitale . Des ilôts pain de sucre couverts de cactus géants émergeaient ça et là. Des jonques, aux voiles en forme d’épines dorsales de dragons, avaient jeté l’ancre aux pieds de gratte-ciel en dentelle de béton, aux angles arrondis ou curieusement torsadés telles des serpillières essorées entre des mains géantes. Une foule d’aliens aux yeux globuleux, à la peau translucide sanguinolante, verte, rouge ou bleue, masqués de masques anti-pollution blancs accrochés derrière des oreilles décollées en aéro-freins démesurées, vêtus comme des sumos, s’agitaient nerveusement, équerres et clés à mollette en main, grimpés sur des échafaudages de verre à la résonance cristalline, piqués tout autour du musée.
Une rencontre du troisième type entre un cinquième élément et une météorite déviée de sa trajectoire orbitale avait sûrement balancée la jeune fille, à son insu, sur un territoire inconnu, là où tout était devenu blobitectural sous le coup d’un coup de chaud tombé sur le monde de la verticalité à cause du trou dans la couche d’ozone, du gulf stream désorienté, du réchauffement de El Nino, du nuage de Tchernobyl pourtant bloqué du côté de la frontière allemande et du fissurement des réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima après le tsunami.
Tout s’était déconstruit, mélangé. Tout s’était éclaté en forme de toile d’araignée métallique tentaculaire. Tout l’espace s’était tordu, distendu, fondu, rétrécit, réduit, anéantissant les distances, les trois dimensions variables de la géométrie et les années lumières.
Odile se trouvait à la fois à Paris, à Hong Kong, à New York où la Trump Tower en avait pris un coup, à Hanoï, dans la Baie D’ Ha Long, sur le Mékong, à Tokyo parmi les cerisiers en fleurs et la branchitude hallucinée, les néons racoleurs et les mangas sortis de leurs bandes dessinées qui escaladaient en troupes hirsutes la Tour de Londres pour faire taire Big Ben qui carillonnait à tout va.
Les villes de la planète Terre, en état d’urgence et de survie, s’étaient instinctivement regroupées pour lutter contre ce chamboule-tout , en une seule mégalopole d’un nouveau genre très concentrationnaire. Des monuments historiques, la Maison Blanche et le Machu Pichu se dressaient au pied de la Tour Eiffel, l’Himalaya et la Grande Muraille de Chine avaient envahi l’horizon, les statues de l’île de Pâques enrégimentées descendaient les Champs Elysées au pas cadencé, dans un abominable vacarme empierré et gravillonnaire afin d’atteindre le Colisée, quelque peu cabossé, planté place de la Concorde.
Sous les yeux effarés de la jeune femme, les aliens aux yeux globuleux à la peau translucide sanguinolante verte, rouge ou bleue, aux oreilles décollées en aéro-freins, commencèrent frénétiquement à déboulonner la tuyauterie colorée du Centre Pompidou.
Alors seulement, Odile eut peur.

JM