Atelier du 30 avril 2022

mercredi 4 mai 2022, par Caroline Lanos

A partir de la bibliographie de Fabienne Juhel, écrire un texte commençant par:Comme une image dans lequel on retrouvera le plus de titres possible choisis dans la liste.

COMME UNE IMAGE inconnue, l’ eau-miroir du lac lui renvoya un visage pâle, défiguré par la verticale de la lune.
Dans les bois dormants, dans la campagne environnante, un escadron d’oiseaux siffleurs entonna son chant matinal, sollicitant le soleil à sortir de sa gangue nocturne, à s’élever sur un horizon curieusement blafard ne laissant rien prévoir de bon.
Il faisait encore nuit . Les hommes-sirènes surgirent, comme une violente éclaboussure de geyser, de leurs mystérieuses et inaccessibles profondeurs abyssales. Ils dansèrent sur la pointe griffue de leur nageoire caudale et s’avancèrent vers elle, menaçants, la Mâle-mort entre les dents.
Paniquée, Elle tenta de s’enfuir jusqu’à l’angle du renard qu’elle avait aperçu en arrivant, souhaitant vivement que ce dernier fut pris d’ une envie subite de quelque razzia dans un poulailler du coin.
Mais son corps pétrifié refusa, tout d’abord, de bouger. Après un effort surhumain, elle renversa, en se retournant, la chaise numéro 14, suffoquée par la présence inattendue du siège quadrupède qui se mit obstinément, de toute évidence, en travers de sa route.
Elle était donc prisonnière de monstres colossaux et hargneux et d’ un siège numéroté à quatre pattes qui courait plus vite qu’elle. La chaise vent debout joueuse et harceleuse, le numéro rigolard, empêchait toute évasion. A bout de forces et de souffle, elle abdiqua et se laissa choir dans l’herbe verte. Elle était bonne pour rejoindre les oubliés de la lande.
Une chaise et une armada de monstres la conduiraient, vainqueurs, vers ceux qui vont mourir.
JM


Ce que dit la mer

Elle dit autour et à travers
le lent déroulement de ses côtes
son ventre fouaillé de migrations

elle dit le monde fini qu’elle trace au loin
la vague à tous offerte
berceuse mur ou tunnel

elle dit l’enfant nu sur le sable
le sac à l’épaule du marin
le filet jeté du pêcheur
elle dit la crique et l’horizon

elle dit la brise qui caresse
et le tourbillon fou des vents
l’attraction de l’abysse sous le miroir du ciel

elle dit sa mémoire millénaire
d’explorations et de combats
les cabotages
les abordages
la rage des rameurs
les commerces honteux
les timides esquifs et les monstres d’acier

elle dit les déchets qui flottent ou se dissolvent
la paresse cupide
la banquise qui sue

elle fatigue elle dit
qu’on la laisse à sa tâche un temps
à ce qu’elle est
le lien liquide
qui tient en place le puzzle

désespérer elle ne sait pas
pas ce pouvoir elle dit
elle est le recours
elle est la beauté

qu’un jour là et là sur ses bords
ils se rappellent ce qu’ils sont
ce qu’ils ont à faire
retracent leur chemin elle dit
et lui reviennent

Antoinette